Société

Publié le par Jeana

"Un outil pour lutter contre les discriminations"
Sociologue et chercheur indépendant réunionnais, Laurent Médéa plaide aussi bien pour le développement des statistiques ethniques que pour des mesures de discrimination positive. Il est aussi membre régional du Cran (Conseil représentatif des associations noires).

Publié dans Politique

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J
Les statistiques ethniques sont-elles une bonne chose ?<br /> Je suis le premier scientifique à la Réunion à travailler officiellement sur les statistiques en prenant en compte les origines ethniques. J’y suis donc totalement favorable. J’ai moi-même mené une enquête lors de ma thèse auprès de 820 personnes à la Réunion en 2002 avec un questionnaire où il y avait plus de 73 questions dont une question sur les origines ethniques et celles des parents. J’ai pu faire des analyses avec des tableaux croisés avec le groupe ethnique et on arrive à des résultats surprenants notamment concernant le chômage, le salaire, le niveau de diplôme ou encore l’emploi. Et qui dit groupe ethnique dit aussi couleur de la peau, qui est une simple donnée factuelle.<br /> N’y a-t-il pas un risque d’alimenter le communautarisme ?<br /> J’ai fait ma thèse dans le meilleur département de sociologie du Royaume-Uni au Centre de recherche des relations ethniques mandaté par l’Union européenne : on a déduit que les discriminations les plus nombreuses et les plus graves sont les discriminations indirectes et celles-ci ne peuvent être révélées qu’à l’aide de statistiques. Celles-ci constituent donc le meilleur outil contre le repli identitaire, parce qu’elles expriment un signal fort de l’investissement des pouvoirs publics dans la lutte contre les discriminations. Elles ne peuvent pas mener à des dérives communautaristes. À La Réunion, elles permettraient d’avoir une connaissance officielle des discriminations.<br /> Certains jugent ces statistiques contraires à l’esprit républicain. Quel est votre avis ?<br /> Je suis très attaché aux valeurs républicaines et aux principes de la liberté, égalité et fraternité. Il ne faudrait pas faire de ces statistiques une différence ethnique, mais s’en servir pour combattre les discriminations notamment en raison de la couleur de peau. Ces statistiques pourraient constituer un facteur de promotion par le biais de la discrimination positive qu’a mise en avant il y a deux ans Nicolas Sarkozy. À La Réunion, on parlerait de préférence régionale.<br /> La discrimination positive ne fait pas l’unanimité en France...<br /> Elle a été mise en pratique dans de très nombreux pays et elle existe déjà en France avec les travailleurs handicapés. Les minorités ethniques doivent bénéficier de dispositifs similaires, parce qu’elles sont discriminées, elles aussi, comme les handicapés, dans l’accès à l’emploi. La discrimination positive n’est rien d’autre qu’une réponse pragmatique à un problème de discrimination. Aujourd’hui, être une minorité ethnique en France et à la Réunion est un gros handicap. La discrimination positive vise à traduire le principe républicain d’égalité dans les faits.
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