Formation.

Publié le par Jeana

La "bataille de l'intelligence" dont le président de la République, Nicolas Sarkozy, a souligné, jeudi 30 août, l'importance, va-t-elle provoquer une pénurie de spécialistes ? Les organisations patronales du monde entier agitent le chiffon rouge.

En Allemagne, elles ont convaincu la chancelière Angela Merkel d'ouvrir ses frontières aux ingénieurs des ex-pays de l'Est à partir du 1er novembre. Jusqu'à présent, ce n'était possible qu'après avoir prouvé qu'aucun Allemand n'était disponible pour le poste.

Publié dans Politique

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Cette décision intervient après que Willi Fuchs, directeur général de l'association allemande des ingénieurs, eut déclaré que l'Allemagne avait manqué de 48 000 ingénieurs en 2006, ce qui aurait coûté 3,5 milliards d'euros à l'économie nationale.<br /> En France, la Chambre syndicale des sociétés d'études techniques et d'ingénierie (Syntec-Ingénierie) comme son équivalent pour les sociétés de services en informatique (Syntec-Informatique) s'alarment aussi du manque de spécialistes. "Le phénomène est structurel, car les ingénieurs exercent de moins en moins les métiers pour lesquels ils sont formés", s'inquiète Alain Bentejac, président de Syntec-Ingénierie.<br /> "Il serait faux de croire que l'Inde et la Chine vont inonder le monde avec leurs ingénieurs. Car ces pays, en fort développement, ont besoin de ceux qu'ils forment pour développer des infrastructures", ajoute Enrico Vink, directeur général de la Fédération internationale des ingénieurs-conseils.<br /> Ces affirmations laissent de nombreux observateurs sceptiques. "Ce thème du manque d'ingénieurs ressort périodiquement. Mais il doit être relativisé. En France, il n'a rien de dramatique", affirme Claude Maury, délégué général du Centre d'étude sur les formations d'ingénieurs (CEFI).<br /> Le nombre d'ingénieurs formé dans l'Hexagone augmentait jusqu'alors de 3 % à 4 % par an, de quoi faire face à la croissance économique. "Certes, l'augmentation des diplômés va se stabiliser, car le nombre de bacheliers scientifiques stagne. Mais le marché de l'emploi est très sensible à la conjoncture. Actuellement, l'emploi des ingénieurs s'améliore après des années de creux. Mais ce n'est pas la pénurie comme il y a quinze ou vingt ans", observe M. Maury.<br /> Cette pénurie relative n'affecterait que quelques secteurs industriels, comme l'informatique ou l'ingénierie. Ou le nucléaire. Des années sans investissement dans ce secteur ont en effet poussé les ingénieurs du domaine vers d'autres spécialités... ou en préretraite.<br /> L'incertitude conjoncturelle n'aide en effet pas à ajuster l'offre d'ingénieurs à la demande. Un rapport sur les ingénieurs, du ministère américain du travail, mis à jour en octobre 2006, indique ainsi que les besoins en spécialistes du nucléaire augmenteront moins que la moyenne, et que la demande d'ingénieurs pétroliers va même décroître ! Alors qu'à Houston (Texas) on se battrait actuellement pour trouver des spécialistes !<br /> Mais même pour des secteurs confrontés à une forte demande, "on peut trouver de très bons candidats en recrutant des profils atypiques", explique un chasseur de têtes du cabinet Christian Besnard Conseil, spécialisé dans le recrutement d'informaticiens. Les sites Internet proposant les services d'informaticiens indépendants regorgeraient de curriculum vitae de jeunes Français d'origine africaine ou maghrébine : "Ils ne trouvent pas de travail salarié, parce qu'ils sont discriminés. Donc ils se mettent à leur compte. Certains sont excellents."<br /> "AUCUNE CHANCE FACE À UN INDIEN"<br /> L'élargissement de l'Union européenne a aussi mis sur le marché de très bons spécialistes roumains ou polonais. "Il y a quinze ans ou plus, on recrutait des ingénieurs non informaticiens et on les formait à la discipline. Désormais, ce n'est même plus la peine", ajoute ce recruteur. "Outre les candidats en provenance des pays de l'Est, les Marocains, les Tunisiens et les Libanais sont aussi disponibles en nombre, car il y a d'excellentes écoles à Tunis, à Casablanca ou à Beyrouth. Mais il est actuellement impossible de les faire venir."<br /> Augmenter brutalement le nombre de diplômés pourrait donc se révéler un jeu dangereux. "Un jeune Français n'a aucune chance face à un jeune Indien. Il serait criminel de pousser des gens vers des filières de formation sans débouché", avertit Marc Taib, président et fondateur d'Animedia, une société d'informatique spécialisée dans le développement de programmes d'enseignement en ligne.<br /> Pour ce centralien qui a délocalisé ses services de programmation à Chennai (ex-Madras), en Inde, "la vérité et les petits mensonges se mélangent joyeusement. Il est politiquement correct de dire que l'on délocalise parce qu'on ne trouve pas d'ingénieurs en France. En vérité, on le fait parce qu'un ingénieur indien est dix fois moins cher".<br /> En Inde, "nous ne manquons pas de talents", confirme Naveen Shunmuganathan, directeur général de la filiale indienne d'Animedia. Certes le turn-over est important. "Pour garder les jeunes, il faut les motiver... sans augmenter les salaires. On leur donne plus de responsabilités. On les fait rencontrer nos clients." Des préoccupations proches de celles des entreprises françaises, qui cherchent à rendre leur secteur plus attractif.<br /> La mondialisation a augmenté la demande, mais aussi l'offre de spécialistes. Il n'y aurait donc pas de pénurie mondiale, à condition de faciliter les embauches au-delà des frontières. Comme Mme Merkel l'a bien compris. <br /> <br /> Annie KahnLe Monde.<br />
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